La cour de cassation précise sa jurisprudence en matière de cyber-surveillance des salariés.
Dans un arrêt du 9 juillet 2008, la Haute Juridiction a considéré que les connexions établies par un salarié sur des sites Internet pendant son temps de travail grâce à l’outil informatique mis à sa disposition par son employeur pour l’exécution de son travail sont présumées avoir un caractère professionnel. Elle en déduit que l’employeur est donc en droit d’inspecter l’ordinateur d’un salarié, afin d’identifier ses connexions internet, et ce à l’insu de ce dernier, c’est à dire hors de sa présence, et sans information préalable.
L’arrêt reproduit intégralement : Cour de cassation chambre sociale Audience publique du 9 juillet 2008 N° de pourvoi: 06-45800 Publié au bulletin Cassation partielle partiellement sans renvoi REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant : Attendu, selon l’arrêt attaqué que M. X…, engagé le 1er juillet 1991 par la société Entreprise Martin en qualité d’ingénieur est devenu responsable de production et de contrôle informatique ; qu’il a été licencié pour faute grave le 24 février 2004 ; Sur le premier moyen : Attendu que M. X… fait grief à l’arrêt d’avoir jugé son licenciement fondé sur une faute grave, alors, selon le moyen : 1°/ qu’il résulte de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, de l’article 9 du code civil, de l’article 9 du code de procédure civile et de l’article L. 120-2 du code du travail que le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l’intimité de sa vie privée ; celle-ci implique en particulier le secret de ses communications ; que l’employeur ne peut dès lors sans violation de cette liberté fondamentale prendre connaissance des sites internet consultés par le salarié grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail ; qu’en l’espèce, la cour d’appel retient, pour décider que licenciement de M. X… est justifié par une faute grave, notamment que le salarié a utilisé l’outil informatique mis à sa disposition par l’employeur à des fins personnelles et abusives ; qu’elle s’est fondée pour établir ce comportement sur les sites internet consultés par le salarié, ce que l’employeur a découvert en inspectant l’ordinateur mis à la disposition du salarié par la société ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel viole les textes susvisés ; 2°/ qu’en toute hypothèse, il résulte de ces mêmes textes que, sauf risque ou événement particulier, l’employeur ne peut rechercher les sites internet consultés par un salarié en inspectant le disque dur de l’ordinateur mis à sa disposition par la société qu’en présence de ce dernier ou celui-ci dûment appelé ; qu’en l’espèce, la cour d’appel, pour déclarer la faute grave de M. X… établie, se fonde sur le contrôle effectué à l’insu du salarié par la direction de l’entreprise Martin sur le disque dur de son ordinateur et sur une expertise effectuée également en l’absence du salarié ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel viole les textes susvisés ; Mais attendu que les connexions établies par un salarié sur des sites Internet pendant son temps de travail grâce à l’outil informatique mis à sa disposition par son employeur pour l’exécution de son travail sont présumées avoir un caractère professionnel de sorte que l’employeur peut les rechercher aux fins de les identifier, hors de sa présence ; que le moyen n’est pas fondé ; Sur le deuxième moyen : Attendu que M. X… fait grief à l’arrêt de l’avoir débouté de sa demande d’indemnité pour inobservation des règles de la procédure de licenciement alors, selon le moyen, qu’il résulte de l’article 455, alinéa 1er, et de l’article 458, alinéa 1er, du code de procédure civile que les jugements doivent être motivés, à peine de nullité ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a débouté M. X… de sa demande d’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement ; qu’en statuant ainsi, sans donner aucun motif au soutien du dispositif de sa décision, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences du premier des textes susvisés ; Mais attendu que l’arrêt, en dépit de la formule générale du dispositif qui déboute le salarié de toutes ses demandes, n’a pas statué sur la demande d’indemnité pour l’inobservation des règles de la procédure de licenciement dès lors qu’il ne résulte pas des motifs de la décision que la cour d’appel l’a examinée ; Que l’omission de statuer pouvant être réparée par la procédure prévue à l’article 463 du code de procédure civile, le moyen n’est pas recevable ; Mais sur le troisième moyen : Vu l’article L. 511-1 du code du travail;
Attendu que pour déclarer le juge prud’homal incompétent pour connaître d’une action en réparation du préjudice subi par un salarié en exécution d’un pacte d’actionnaires prévoyant en cas de licenciement d’un salarié la cession immédiate de ses actions à un prix déterminé annuellement par la majorité des actionnaires, la cour d’appel a relevé par motifs propres et adoptés que la demande n’est pas fondée sur le contrat de travail et qu’elle a été formée par l’intéressé en sa qualité d’actionnaire ;
Qu’en statuant ainsi, alors que la demande en paiement de dommages-intérêts d’un salarié en réparation du préjudice causé par les conditions particulières de cession de ses actions en raison de la perte de sa qualité de salarié du fait de son licenciement constitue un différend né à l’occasion du contrat de travail, la cour d’appel a violé le texte susvisé ; Vu l’article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il s’est déclaré incompétent pour statuer sur la demande en paiement de dommages-intérêts de M. X… en réparation du préjudice causé par les conditions particulières de cession de ses actions en raison de la perte de sa qualité de salarié du fait de son licenciement, l’arrêt rendu le 27 septembre 2006, entre les parties, par la cour d’appel de Nancy ; DIT n’y avoir lieu à renvoi du chef de la cassation ; DIT que le juge prud’homal est compétent pour connaître de l’action de M. X… en réparation de ce préjudice ; Renvoie devant la cour d’appel de Nancy, autrement composée, mais uniquement pour qu’elle statue sur les points restant en litige ; Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ; Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société Entreprise Martin à payer à M. X… la somme de 2 500 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juillet deux mille huit. Publication : Décision attaquée : Cour d’appel de Nancy du 27 septembre 2006