Par un arrêt du 26 novembre 20241, la Cour d’appel de Paris a eu à connaître d’une affaire impliquant une société éditrice de logiciels, prestataire d’entreprises du CAC 40 et d’institutions étatiques, mise en cause pour harcèlement d’ambiance à caractère sexuel.
À l’occasion d’un hackathon2 organisé par l’entreprise, une salariée et sa collègue, formant une équipe exclusivement féminine, se sont vu remettre comme « récompense » une boîte de produits hygiéniques féminins (Tampax), conduisant à leur attribution du surnom « équipe Tampax ».
Le harcèlement d’ambiance s’est manifesté par la circulation de courriers électroniques à caractère sexuel, la diffusion de photographies inappropriées de femmes, l’exposition de contenus NSFW (“Not Safe For Work”), des commentaires à caractère sexiste ainsi qu’une atmosphère générale hostile envers le personnel féminin. La joie de travailler dans un open space.
Pour la petite histoire, la salariée fut licenciée pour avoir dénoncé un fait discriminatoire lié à une différence de traitement en raison de son sexe, ce que l’employeur qualifia de propos diffamatoires. La Cour d’appel a considéré que la mauvaise foi de la salariée n’était pas établie et qu’elle avait, au contraire, subi un harcèlement discriminatoire. Le licenciement fut donc frappé de nullité.
Il est à noter que l’enquête interne avait préalablement écarté toute accusation de discrimination ou de comportements misogynes, malgré l’existence d’éléments probants.
La décision de la Cour d’appel s’appuie sur :
- L’article L.1142-2 du Code du travail prohibant tout agissement sexiste portant atteinte à la dignité ou créant un environnement hostile.
- L’article L.1132-1 du Code du travail, en liaison avec l’article 1er de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008, interdisant la discrimination incluant les agissements à connotation sexuelle.
Le Défenseur des droits, autorité constitutionnelle indépendante, joue un rôle crucial dans ce type de contentieux. Il peut accompagner les salariés dans leurs démarches, réaliser des enquêtes indépendantes, formuler des recommandations aux employeurs et présenter des observations devant les juridictions. En l’espèce, il avait adressé un courrier à la société indiquant que, bien que la salariée n’ait pas été directement visée par les échanges, elle subissait néanmoins un harcèlement d’ambiance.
Cette jurisprudence confirme que le harcèlement sexiste peut résulter d’un environnement de travail hostile.
En matière de récompense professionnelle, l’entreprise, qui pensait avoir absorbé tout risque juridique, se retrouve sur le podium en matière de sexisme.
Richard Wetzel, Avocat
1 Cour d’appel de Paris, 26 novembre 2024, n°21/10408 X. c/ Sté Oodrive
2 L’hackathon est la contraction de « hack » pour programmation créative et « marathon ». Au sein d’une entreprise, il s’agit de stimuler l’innovation interne en réunissant une équipe pendant un temps limité pour collaborer intensivement sur un projet informatique ou technologique.