La Cour de cassation estime que les ventes en ligne accomplies par de simples particuliers ne sont pas susceptibles de constituer une violation d’une interdiction de revente hors réseau de distribution sélective.
Au-delà d’une simple technique de vente, la vente en réseau de distribution sélective s’inscrit dans le cadre de la logique de distinction attachée aux produits fabriqués ou distribués sous une marque. Les produits de luxe (produits cosmétiques, prêt à porter, maroquinerie) et de haute technicité (audiovisuel, informatique) y sont traditionnellement associés, mais la vente en réseau de distribution sélective s’est progressivement étendue à toutes sortes de biens comme les articles d’art de la table ou les jeux vidéos.
Le contrat de distribution sélective est un accord par lequel un fournisseur ou un fabricant, désireux de préserver la notoriété et la qualité de ses produits, s’engage à approvisionner un revendeur sélectionné en raison de son aptitude à distribuer lesdits produits, dans un environnement et dans des conditions spécifiques, qui font l’objet d’un cahier des charges accepté par le revendeur, appelé distributeur agréé.
En contrepartie de ses engagements, le distributeur agréé peut capter une clientèle attirée par l’image d’une marque prestigieuse, tout en conservant la faculté de vendre des produits concurrents. Les accords de distribution sélective contiennent généralement un certain nombre de stipulations destinées à préserver l’étanchéité du réseau de distribution, interdisant notamment aux distributeurs agréés de revendre les produits à des revendeurs non agréés.
L’étanchéité des réseaux de distribution sélective est également protégée par l’article L442-6-I-6° du code de commerce. Celui-ci prévoit qu’engage sa responsabilité “tout producteur, commerçant, industriel ou artisan qui aura participé directement ou indirectement à la violation de l’interdiction de revente hors réseau faite au distributeur lié par un accord de distribution sélective”. Par arrêt du 3 mai 2012, la chambre commerciale de la cour de cassation est venue préciser les conditions d’application de ce texte.
Dans cette affaire, de prestigieuses sociétés de parfumeurs, qui commercialisent leurs produits dans le cadre de réseaux de distribution sélective, ont assigné une célèbre plate-forme d’enchères en ligne, afin notamment qu’il lui soit fait interdiction de servir d’intermédiaire à des particuliers qui offraient à la vente lesdits produits sur internet. La cour d’appel a estimé que la plateforme était coupable d’avoir participé à la violation de l’interdiction de revente hors réseau, et qu’elle avait ainsi engagé sa responsabilité.
Pour ce faire, la cour d’appel a retenu qu’il importe peu que la violation de l’interdiction de revente hors réseau soit commise par un professionnel ou par un particulier. Elle relève que la plateforme avait laissé perdurer, sans prendre de mesures effectives, l’organisation de ventes importantes hors réseaux sur lesquelles elle avait perçu des commissions.
Au visa de l’article L442-6-I-6° du code de commerce, la cour de cassation casse l’arrêt. Pour la cour de cassation, les ventes accomplies par de simples particuliers ne sont pas susceptibles de constituer une violation d’une interdiction de revente hors réseau de distribution sélective.
Ce faisant, la cour de cassation fait une application stricte et littérale de l’article L442-6-I-6°du code de commerce qui vise uniquement les producteurs, commerçants, industriels et artisans, et non les simples particuliers. Les simples particuliers sont donc en droit de mettre en vente sur internet des produits qui sont en principe exclusivement distribués dans le cadre d’un réseau de distribution sélective.
Il faut toutefois que de telle ventes demeurent occasionnelles, et ne constituent pas une activité professionnelle habituelle. A défaut, le vendeur pourra être considéré comme commerçant de fait, et voir sa responsabilité recherchée sur le fondement de l’article L442-6-I-6° du code de commerce, pour violation d’une interdiction de revente hors réseau.
- La décision intégrale : http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000025808328&fastReqId=870349437&fastPos=1
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