Deux clubs de football vosgiens se disputèrent un match comptant pour le championnat de D3. La partie était entrée dans la période de temps additionnel de la seconde période du match. Le club hôte encaissa après la 90ème minute le but permettant alors au club visiteur d’obtenir la victoire 3 buts à 2.
C’est à cette occasion que le gardien de but de l’équipe malheureuse adopta un comportement violent à l’encontre de l’attaquant adverse, qualifié par l’arbitre principal du match d’acte de brutalité, puisqu’il lui assena un violent coup de pied. Il écopa d’un carton rouge commué en carton jaune lors de la signature de la feuille de match.
Dans le cadre d’un premier rapport de l’arbitre, il était indiqué qu’il avait fait une erreur d’appréciation personnelle, puis il changea de version 24 jours plus tard en prétendant avoir été victime de pressions du président de l’équipe du joueur blessé alors même qu’il n’avait aucun lien avec la sanction retenue.
Ce dernier a ainsi été suspendu de toutes fonctions officielles par la commission de discipline du district des Vosges pour avoir prétendument influencé l’arbitre afin de modifier la sanction prononcée à l’encontre du gardien agresseur. Assisté par votre serviteur, il interjeta appel de la décision devant la commission départementale d’appel du district des Vosges de Football.
La commission d’appel constata des irrégularités dans les convocations qui ne précisaient pas explicitement les griefs reprochés pour permettre à la personne mise en cause de préparer sa défense utilement. Il ne savait d’ailleurs même pas qu’il risquait une sanction.
Elle relève, en outre, une atteinte au principe d’impartialité et d’indépendance par l’intervention personnelle et inappropriée du président de la commission de discipline auprès de l’arbitre du match avant même la saisine de la commission dont est également membre le président du club suspendu.
Sur le fond, l’arbitre a donné des récits contradictoires des événements. Déjà avec le changement de version de son rapport dont le second a été modifié à la demande du président de la commission de discipline. Mais également parce que le témoin ne confirme nullement la théorie accusant le président déchu.
Enfin, la commission d’appel souligne qu’il n’avait aucun intérêt à faire modifier la sanction d’un joueur qui ne le concerne pas puisqu’il n’appartenait pas à son club.
En matière d’impartialité des commissions disciplinaires, plusieurs principes fondamentaux s’appliquent par analogie avec les juridictions administratives et judiciaires. De jurisprudence constante, toute situation qui fait naître un doute légitime sur l’impartialité d’un organe disciplinaire doit conduire à l’irrégularité de la procédure. Cette impartialité s’apprécie de manière objective. Dès lors qu’il apparait des circonstances conduisant à douter légitimement de l’impartialité de l’organe disciplinaire, sans qu’il soit nécessaire de démontrer un parti pris effectif, sa décision doit être censurée.
Le président de la commission de discipline qui instruit le dossier disciplinaire, participe à la constitution des pièces à charge en influençant l’arbitre « victime », demande au secrétariat du district de faire convoquer le dossier à son audience, préside l’audience disciplinaire, conduit les débats, préside le délibéré et prononce une sanction à l’encontre d’un membre de sa propre commission de discipline… laisse supposer l’existence d’une certaine partialité.
Cette situation contrevient à l’article 3.1.4 §2 du règlement disciplinaire qui exige que les membres des organes disciplinaires se prononcent en toute indépendance.
La commission départementale d’appel du district des Vosges de Football annula naturellement la suspension du président ainsi que les frais et autres amendes qui furent imputés contre son club.
Cette affaire démontre que même au niveau amateur du football départemental, les enjeux juridiques peuvent être complexes et les conséquences significatives pour les dirigeants de clubs. L’assistance d’un avocat, loin d’être superflue, permet non seulement de déceler les vices de procédure mais aussi de faire valoir efficacement ses droits devant les instances disciplinaires. Sans cette expertise juridique, le président du club n’aurait peut-être pas pu faire reconnaître les irrégularités qui ont entaché la procédure et obtenir l’annulation de sa suspension.
Comme quoi, même en D3, il vaut mieux avoir un bon défenseur dans son équipe !
Richard Wetzel, Avocat