L’article 10 de l’ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017 offre la possibilité de mettre en place, par accord collectif, une rupture d’un commun accord portant rupture conventionnelle collective (RCC). Cette réforme a pour ambition de sécuriser les plans de départ volontaire hors Plan de Sauvegarde de l’Emploi (PSE). L’objectif est donc d’exclure l’application des dispositions du licenciement pour motif économique.
L’approche consensuelle de cette réforme aurait le mérite d’éviter les décisions unilatérales et conflictuelles mais apporte-elle les garanties nécessaires tant à l’égard des salariés, en sécurisant leurs parcours professionnels et en favorisant un reclassement externe, qu’à l’égard de l’employeur, en sécurisant les départs, en répondant aux objectifs de suppression maximum de postes et en anticipant, in fine, de potentiels dégradations de ses résultats économiques ?
Quel est l’impact psychologique d’une telle mise en œuvre qui, par hypothèse, sera à l’initiative de l’employeur et invitera les potentiels candidats à se positionner sur une situation qu’ils n’avaient alors jamais envisagée. Sous réserve de respecter le socle législatif, l’accord est le fruit d’une négociation entre l’employeur et les partenaires sociaux. Il permet d’éviter tant les contentieux collectifs qu’individuels.
Concrètement, la Direccte (ou l’Unité Territoriale) est informée sans délai de l’ouverture d’une négociation pour la mise en place de la RCC.
L’accord doit respecter un contenu défini à l’article L.1237-19-1 du code du travail, notamment, les modalités et conditions d’information du comité social et économique, ou à défaut, le comité d’entreprise ou, encore à défaut, les délégués du personnel.
L’accord doit prévoir le nombre maximal de départs envisagés, les suppressions d’emplois associés ainsi que la durée de la mise en œuvre de la RCC.
Les parties déterminent librement les conditions et critères de départage entre les candidatures au départ, l’indemnité de rupture qui ne pourra être inférieure à l’indemnité de licenciement, les mesures visant à faciliter le reclassement externe des salariés sur des emplois équivalents ou encore les mesures de suivi de l’accord…
A compter de la réception de l’accord, la Direccte dispose d’un délai de 15 jours afin de s’assurer de la validité de l’accord (conformité à la loi, information du CSE, validité des critères des catégories ciblées…) et notifier sa décision motivée à l’employeur et aux organisations syndicales. Son silence vaut acceptation implicite de l’accord.
Lorsque le salarié adhère au dispositif, l’employeur devra accepter ou non cette candidature en fonction des critères de départage déterminés par l’accord. Le refus de l’employeur repose donc sur des critères objectifs. Le salarié, dont la rupture du contrat de travail est prononcée en application de la RCC, pourra bénéficier des indemnités de rupture prévues par l’accord et des prestations chômages du régime général et non du régime plus avantageux en cas de licenciement pour motif économique (contrat de sécurisation professionnelle).
Quel dilemme ! L’employeur est bien à l’initiative de la rupture du contrat avec un objectif de suppression de postes, le salarié doutant de la pérennité de son emploi préfère anticiper et fait connaître sa candidature mais ne perçoit pas l’indemnité compensatrice de préavis qui pourrait financer l’assurance chômage propre au licenciement économique. Sauf que dans cette hypothèse, la RCC est interdite. La RCC prévoit la suppression d’emploi en dehors de difficultés économiques.
Selon l’article L.1237-19-8 du code du travail, il ne saurait y avoir de litige distinct entre la contestation de la décision de validation et la contestation de l’accord, son contenu ou la régularité de la procédure. Cette contestation est régularisée dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision de validation. En cas de rupture du contrat de travail, la contestation devra être formée dans un délai de 12 mois. Il s’agira alors de faire la démonstration d’un vice du consentement ou d’une fraude de l’employeur qui aurait pu souhaiter éviter la mise en œuvre d’un PSE.
Cependant, afin d’éviter tout contentieux, si l’employeur envisage un nombre important de suppression d’emploi, il serait préférable de mettre en place un PSE comportant alors un plan de départ volontaire des salariés.
Le PSE est obligatoire pour une entreprise d’au moins 50 salariés qui envisage une réduction d’effectif concernant au moins 10 salariés sur une période de 30 jours. La loi Travail du 8 août 2016 définit les difficultés économiques soit par la baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation ou tout autre élément de nature à justifier ces difficultés. Dans cette situation, le recours à la RCC deviendrait délicat et les soupçons d’une fraude à la mise en place du PSE risqueraient de refroidir certaines initiatives.
De plus, le PSE est censé offrir des actions pour favoriser le reclassement interne du salarié, ce qui n’est pas le cas du RCC. De même, l’employeur doit favoriser la reprise de tout ou partie des activités afin d’éviter des fermetures ou de créer de nouvelles activités. Des mesures d’aménagement du temps de travail peuvent également être proposées ainsi qu’un plan de reclassement visant les populations les plus fragiles, à l’instar des seniors, ou des salariés présentant des caractéristiques sociales ou de qualification rendant leur réinsertion professionnelle difficile.
Si la RCC a manifestement pour objectif de permettre aux entreprises de réagir plus vite sur un marché concurrentiel, la réforme aurait mérité plus de précisions quant aux mesures visant à sécuriser le parcours professionnel du salarié, qui est également un acteur économique qui a plus besoin de sécurité que de flexibilité ou alors de sécurité dans sa flexibilité.